Le seuil des 100 000 dollars colle à la peau du Bitcoin. C’est un chiffre rond, facile à retenir. Et il sert souvent de repère dans les récits de marché. Sauf qu’un détail change tout : l’inflation.
Le « vrai » 100 000 $ selon Galaxy
Si l’on corrige le prix du Bitcoin par l’inflation, il n’a en réalité jamais dépassé 100 000 dollars. Alex Thorn, responsable de la recherche chez Galaxy, affirme que le pic autour de 126 000 $ atteint début octobre se traduit par 99 848 $ en « dollars de 2020 ». Autrement dit, le cap symbolique reste juste hors de portée en valeur réelle. On est loin de 1 million de prédictions.
Ce calcul repose sur l’érosion progressive du pouvoir d’achat, mesurée via l’indice des prix à la consommation américain. Thorn explique avoir appliqué, publication après publication, la perte de valeur du dollar depuis 2020. L’idée n’est pas de chipoter sur un chiffre. L’idée est de rappeler que 100 000 $ en 2025 ne pèsent pas 100 000 $ en 2020.
Le résultat a un côté ironique. Le marché a bien vu un Bitcoin à plus de 100 000 $ en nominal. Mais en termes de panier de biens, il manque encore une marche. Ce décalage rend le débat moins émotionnel. Il ramène le prix à une question simple : qu’achète vraiment ce prix, aujourd’hui ?
Inflation : l’ennemi discret des records
Aux États-Unis, l’inflation a reculé par rapport au choc de 2022, mais elle n’a pas disparu. Sur douze mois, l’indice CPI progresse autour de 2,7% en novembre 2025, selon le Bureau of Labor Statistics. C’est « raisonnable » sur le papier. Mais l’addition sur plusieurs années, elle, reste lourde.
Entre 2020 et 2025, l’effet cumulé finit par faire bouger les repères psychologiques. Quand Thorn dit qu’un dollar n’achète plus ce qu’il achetait, il met le doigt sur une réalité concrète. Le même billet paie moins de carburant, moins de services, moins de tout. Et donc, un sommet nominal peut être un faux sommet en valeur réelle.
Cela change aussi la lecture des cycles. Beaucoup d’investisseurs pensent en « nouveaux records » comme on coche des cases. Or, avec l’inflation, la ligne d’arrivée se déplace. Le marché peut célébrer un ATH, tout en restant en retard sur le pouvoir d’achat. C’est frustrant. Mais c’est aussi plus honnête pour comparer les périodes.
Dollar en baisse, récit en hausse
Autre pièce du puzzle : le dollar lui-même. En 2025, la monnaie américaine s’est affaiblie face à un panier de devises, sur fond d’anticipations de baisses de taux et de doutes sur la trajectoire macro. Reuters évoque une année particulièrement mauvaise pour le billet vert.
Dans ce contexte, certains parlent de « debasement trade ». Le terme sonne agressif, mais l’intuition est simple. Quand une monnaie perd du pouvoir d’achat, on cherche des actifs qui résistent mieux. Or, le Bitcoin a été vendu pendant des années comme une sorte d’antidote monétaire. Même si la réalité est plus nuancée, le récit revient vite dès que le dollar vacille.
Le paradoxe, c’est que la faiblesse du dollar peut gonfler les prix nominaux des actifs, sans améliorer la richesse réelle. On peut voir le chiffre monter et se sentir plus riche. Puis constater, au moment de payer, que le monde a renchéri entre-temps. C’est exactement ce que met en scène l’argument de Thorn.
Pourquoi ce débat compte pour les investisseurs
Dire que le Bitcoin n’a “pas vraiment” franchi 100 000 $ ne signifie pas que le marché ment. Cela signifie qu’il faut préciser l’unité. Le nominal sert aux gros titres. Le réel sert à mesurer une performance économique. Mélanger les deux, c’est comme comparer des températures en Celsius et en Fahrenheit sans le dire.
Ce filtre « inflation » évite aussi des conclusions trop rapides. En octobre, Bitcoin a touché un sommet au-dessus de 126 000 $. Puis il a corrigé dans les semaines suivantes, retombant nettement plus bas. La volatilité fait partie du produit. Mais la lecture en dollars constants aide à distinguer un mouvement de marché d’une simple illusion monétaire.
Si l’inflation continue, le « vrai » 100 000 $ devient une cible mobile. Et c’est peut-être ça, le message le plus utile : pour juger le Bitcoin, il faut regarder au-delà des chiffres ronds. Le marché adore les symboles. La macroéconomie, elle, adore les détails.
