Trois ans après le choc FTX, le marché crypto recommence à financer des projets ambitieux. Mais l’argent ne va plus au “buzz”. Il va aux infrastructures, et surtout aux produits dérivés. Brett Harrison, ex-président de FTX US, vient de lever 35 millions de dollars pour Architect Financial Technologies, afin de bâtir une nouvelle plateforme de trading pensée pour les institutionnels, entre dérivés, actions, futures et actifs numériques.
Le “retour” de Brett Harrison, mais sans l’insouciance d’avant
Le nom FTX reste un rappel brutal. Pourtant, des investisseurs reconnus remettent un ticket. Dans ce tour de table à 35 M$, on retrouve MIAX, Tioga Capital, ARK Investment, Galaxy et VanEck. Ce casting n’a rien d’un pari de casino. Il ressemble plutôt à une prise de position stratégique.
Le message envoyé au marché est assez clair. La crypto n’est pas “finie”. Elle change de peau. Les investisseurs veulent des rails plus propres, des contrôles plus stricts, et des produits capables de parler aux desks pros. Architect vend exactement cette promesse : une mécanique de trading institutionnelle, pas une application grand public de plus.
Ce financement n’arrive pas de nulle part. En février 2024, la société avait déjà levé 12 M$ avec, entre autres, Coinbase Ventures et Circle Ventures. À l’époque, c’était un signal timide. Aujourd’hui, le signal devient sonore.
Les “perps” s’invitent sur les actifs traditionnels
Le point technique qui change tout, c’est l’autorisation obtenue aux Bermudes. Architect a reçu un feu vert réglementaire pour proposer des contrats à terme perpétuels liés à des actifs traditionnels, comme des actions, des matières premières ou des devises. Dit autrement : le produit star de la crypto, transposé dans un décor plus “Wall Street”.
Ce choix des Bermudes n’est pas anodin. Le pays s’est positionné depuis plusieurs années comme une juridiction crypto encadrée, avec une autorité de supervision active. Architect opère via une entité locale régulée par la Bermuda Monetary Authority, ce qui lui donne un cadre pour lancer et itérer.
L’exchange mis en avant s’appelle AX. Son angle est simple, presque froid : viser les professionnels hors des États-Unis, avec des outils de trading algorithmique, une gestion du risque plus avancée, et un support multi-actifs. Ce n’est pas la plateforme qui promet “la lune”. C’est celle qui promet de ne pas casser au premier orage.
Dérivés, liquidité, et mémoire des liquidations
Pourquoi cette obsession des dérivés ? Parce que c’est là que se fait le gros du trafic. Dans la crypto, les dérivés pèsent une part énorme des volumes sur les grandes plateformes, souvent estimée autour de 75% à 80%. Cela attire les market makers. Cela attire aussi le levier. Et le levier, lui, n’oublie personne.
La liquidité reste le nerf de la guerre. Même sur les marchés traditionnels, elle se fragmente, se concentre, puis disparaît au pire moment. Plusieurs analyses soulignent que les acteurs recherchent des carnets profonds et des spreads serrés, surtout quand les structures de marché évoluent. Sur une plateforme institutionnelle, c’est une condition de survie, pas un bonus marketing.
Et il y a l’éléphant dans la pièce : la volatilité amplifiée par les dérivés. Le 10–11 octobre 2025 a servi de piqûre de rappel, avec un événement de liquidations estimé à plus de 19 milliards de dollars, l’un des plus importants jamais observés dans la crypto. Quand le marché éternue, le levier tombe malade en premier.
