Au Brésil, un orchestre prépare un concert où les variations du prix du Bitcoin seront traduites en musique, en direct. L’initiative, prévue à Brasília, a reçu l’autorisation de lever jusqu’à 1,09 million de réais via des mécènes bénéficiant d’avantages fiscaux. Le pari : faire entendre la volatilité plutôt que la montrer sur un graphique.
Un concert piloté par le prix du Bitcoin
L’idée ressemble à une expérience de laboratoire, mais elle vise une scène bien réelle. Pendant la représentation, un algorithme suivra les mouvements du Bitcoin en temps réel. Il convertira ces données en indications musicales. Mélodie, rythme et harmonie évolueront au même tempo que le marché.
Le projet mentionne aussi des données “techniques” liées au cours. Donc, pas seulement un prix qui monte ou qui descend. L’objectif consiste à capter des changements de dynamique. Des accélérations. Des hésitations. À l’oreille, cela pourrait donner des ruptures franches. Ou, au contraire, des séquences plus fluides.
Un détail intrigue. La publication officielle ne dit pas si une infrastructure blockchain sera utilisée pendant le concert. Le Bitcoin sert de matière première, sans forcément embarquer sa mécanique onchain. Cette nuance compte. Elle place l’œuvre du côté de la “lecture” du marché, pas du côté de la démonstration technologique.
Sonifier la volatilité, une idée moins gadget qu’elle en a l’air
Transformer des chiffres en son porte un nom : la sonification. Les scientifiques l’emploient depuis longtemps pour repérer des motifs difficiles à voir. Le bruit d’un moteur. La fréquence d’une étoile. Un signal biologique. Avec le Bitcoin, la promesse reste la même. Rendre perceptible un comportement. Ici, celui d’un actif qui surprend souvent.
La volatilité, sur un écran, finit par se banaliser. Une bougie rouge ressemble vite à une autre bougie rouge. Le son, lui, impose une réaction plus physique. Un tempo qui s’emballe. Un motif qui se casse. Une harmonie qui se durcit. On ne “comprend” pas mieux le marché. Mais on le ressent autrement. Et ça change la façon d’en parler.
Ce type de projet peut aussi toucher un public non initié. Le Bitcoin devient un objet culturel. Il devient discutable sans jargon. On peut aimer ou détester la pièce sans connaître le RSI. Cette porte d’entrée compte. Surtout dans un pays où la finance et la culture se croisent de plus en plus autour des données.
La Rouanet Law, moteur silencieux de l’initiative
Si l’orchestre peut viser une levée d’environ 1,09 million de réais, c’est grâce au cadre de la Lei Rouanet. Ce dispositif brésilien d’incitation culturelle permet à des entreprises et à des particuliers de financer des projets. Et de déduire une partie de leur contribution de leurs impôts, sous conditions.
Dans ce dossier, le feu vert vient d’une publication officielle. Et la collecte doit se boucler avant le 31 décembre. La classification mentionnée renvoie à la “musique instrumentale”, ce qui influence le régime d’incitation applicable. En clair : l’État n’écrit pas la partition. Mais il rend la collecte possible.
Ce montage n’a rien d’anecdotique. Il oblige le projet à parler le langage des sponsors. Il faut expliquer l’intérêt artistique. Par ailleurs, il faut aussi défendre la crédibilité technique et rassurer sur l’exécution. Et il faut assumer le sujet Bitcoin sans le réduire à un slogan. Là, l’exercice devient délicat. Et donc intéressant.
Quand le Bitcoin sert de matière artistique
Le Brésil n’invente pas l’idée de laisser le Bitcoin piloter une œuvre. En 2020, l’artiste Matt Kane a présenté Right Place & Right Time. C’est une création programmable dont l’apparence change en fonction de la volatilité de BTC. Elle repose sur des couches visuelles synchronisées avec l’action du prix sur les dernières 24 heures.
D’autres artistes utilisent la donnée comme pigment. Refik Anadol, par exemple, développe des œuvres fondées sur des algorithmes et de grands ensembles de données. Son projet Winds of Yawanawá, lancé en 2023 avec la communauté autochtone Yawanawá, s’appuie sur des données météo. Elles servent à générer des “data paintings” et des sculptures de données.
Le concert de Brasília s’inscrit dans cette lignée, avec un twist. Il remet l’orchestre au centre. Pas d’écran géant obligatoire. Pas de casque VR. Des archets, du souffle, des silences. Le Bitcoin, lui, continue de faire ce qu’il sait faire : bouger. Et cette fois, ses secousses se transformeront en musique.
