En République centrafricaine, des initiatives crypto adossées à l’État inquiètent de plus en plus, car elles peuvent ouvrir la voie à la capture d’actifs publics par des réseaux étrangers. L’alerte tombe à la veille de l’élection présidentielle du 28 décembre 2025, dans un pays où les institutions restent fragiles et la supervision financière limitée.
Des projets crypto d’État, mais un contrôle qui arrive tard
Sur le papier, la crypto promet de contourner les lenteurs. Financement plus rapide. Moins d’intermédiaires. Mais le rapport de la GI-TOC décrit surtout des mécanismes opaques, et un manque de garde-fous contre le blanchiment. Dans ce décor, l’innovation devient une excuse pratique.
Le problème est aussi matériel. La GI-TOC rappelle qu’environ 15,7% de la population a accès à l’électricité, et que moins de 40% dispose d’un abonnement mobile. Avec un PIB par habitant d’environ 467 dollars, la plupart des citoyens ne peuvent pas “investir” en crypto au quotidien. Les dispositifs s’adressent donc d’abord à l’extérieur.
Ce déséquilibre pèse sur la souveraineté. Quand un outil financier vise surtout des capitaux étrangers, il doit être encadré au millimètre. Sinon, il se transforme en tuyau. Et dans un pays habitué aux flux illicites liés aux ressources, un tuyau de plus n’est jamais neutre.
Sango Coin : promesses XXL, recettes minuscules
Sango Coin devait être la vitrine. Un projet national “bitcoin-backed”, associé à une future “crypto city” et à des incitations pour attirer des investisseurs. La GI-TOC y voit une stratégie pensée pour séduire, plus que pour protéger. Et, surtout, une exécution qui n’a pas tenu ses propres promesses.

Les chiffres refroidissent vite. L’objectif était de vendre 210 millions de tokens en un an. Seuls 10% auraient trouvé preneur, pour moins de 2 millions d’euros au total. Deux ans plus tard, le projet s’essouffle et annonce, fin avril 2025, un changement de cap sans clarifier le sort des fonds déjà versés.
Même le cadre légal a résisté. En août 2022, la Cour constitutionnelle a jugé que la crypto ne pouvait pas servir à acheter citoyenneté ou e-résidence. En effet, certains “bonus” n’étaient pas compatibles avec le droit national. À partir de là, la crédibilité a commencé à se fissurer en public.
$CAR : la crypto qui touche au foncier
Après Sango, l’État a tenté une autre recette, plus virale. Le $CAR, lancé en février 2025, s’inscrit dans la logique des meme coins : beaucoup de narration, peu d’utilité économique, et une volatilité extrême. La GI-TOC insiste sur une gouvernance trouble, et sur des risques de manipulation.
Le démarrage a ressemblé à une panne générale. Le nom de domaine a été suspendu très vite, le compte X officiel a vacillé, et une vidéo du lancement a été signalée par des outils de détection comme potentiellement générée par IA. Dans un marché déjà nerveux, ces détails font plus de dégâts qu’un discours.
Le plus sensible arrive ensuite : l’adossement à des actifs réels. En mai 2025, un décret a lancé la tokenisation de 1 700 hectares dans la Lobaye, avec des concessions payables en $CAR via Solana. En novembre 2025, 122 parcelles auraient été vendues à environ 314 dollars, pour 38 308 dollars au total. La GI-TOC dit ne pas trouver de preuve d’intégration au budget national.
Bitcoin n’est pas “les cryptos” et les États le reconnaissent
Le mot crypto mélange tout. Or les risques ne sont pas les mêmes. La RCA l’a appris à ses dépens. Selon la GI-TOC, le Parlement a abrogé en mars 2023 la loi qui avait fait du bitcoin et d’autres cryptos une monnaie à cours légal. L’épisode illustre une règle simple : la monnaie n’aime pas l’improvisation.
Bitcoin, lui, fonctionne sur une logique plus austère. Pas de société émettrice. Pas de stock qui grossit selon l’humeur. L’offre est plafonnée à 21 millions, et la sécurité repose sur un réseau très distribué. C’est pour cela qu’il est souvent rapproché de l’or, comme réserve rare et difficile à falsifier.
Ce n’est pas qu’un slogan. Aux États-Unis, un décret présidentiel du 6 mars 2025 a créé une “Strategic Bitcoin Reserve”, distincte d’un stock d’autres actifs numériques. Le texte insiste sur la rareté et la sécurité de Bitcoin, et assume un intérêt stratégique à en détenir. La conclusion, en RCA, tient en une phrase : les montages crypto opaques menacent l’État, mais Bitcoin joue une autre partition.
