La Corée du Sud voulait moderniser son cadre crypto. Une mise à jour propre. Lisible. Presque américaine. Et puis… elle s’est arrêtée net, comme un ascenseur entre deux étages. Le blocage a un nom : stablecoins. Pas la techno. Le pouvoir autour. Qui a le droit d’émettre, qui surveille et qui tient la laisse lorsque l’actif veut devenir un quasi-moyen de paiement.
Stablecoins : le nœud qui retarde toute la loi
Officiellement, la Financial Services Commission (FSC) avance. Discussions, rédaction, consultations. En coulisses, elle dit regarder la protection des investisseurs, alors que l’usage des stablecoins grimpe et que le marché coréen reste l’un des plus “retail” au monde.
Sauf qu’un point empoisonne tout : qui peut émettre un stablecoin. Les autorités envisagent des réserves obligatoires, conservées chez des dépositaires qualifiés, souvent des banques, pour solidifier le modèle. Sur le papier, c’est une ceinture de sécurité. Dans la pratique, c’est aussi un filtre d’accès, et c’est là que se joue l’équilibre des stablecoins entre bénéfices tangibles et risques bien réels.
Et ce filtre suffit à ralentir le reste : le texte est repoussé, et la bascule vers un cadre plus complet glisse à l’an prochain. La promesse d’une loi structurante devient un feuilleton parlementaire.
Banque centrale vs régulateur : qui tient le volant ?
D’un côté, la Banque de Corée (BOK) veut une émission pilotée par les banques. Dans certaines versions évoquées publiquement, l’idée ressemble à une règle de contrôle : consortium bank-led, participation majoritaire, le fameux débat autour d’un seuil de 51 %. Argument : stabilité monétaire, gestion du risque, et réflexe de banque centrale face à un actif qui mime la monnaie.
De l’autre, la FSC refuse une porte trop étroite. Elle craint un cadre qui exclut fintechs et géants tech, donc moins de concurrence et une innovation des paiements qui se fait… ailleurs. C’est un choc de cultures : prudence macro contre vitesse produit.
Ajoutez une deuxième querelle : faut-il un comité spécialisé pour délivrer les licences d’émetteurs ? La BOK pousse pour une structure dédiée, la FSC estime que l’appareil administratif suffit. Résultat : tout le monde veut protéger, mais personne ne veut lâcher le gouvernail.
Pourquoi Bitcoin suit ce dossier comme un baromètre
À première vue, Bitcoin n’est pas un stablecoin. Il ne promet rien, surtout pas la stabilité. Mais il devient un thermomètre politique : quand un État discute la monnaie tokenisée, il discute aussi la frontière entre finance et crypto.
La Corée du Sud regarde clairement vers Washington. Le signal, c’est l’exemple américain : le GENIUS Act a été adopté en 2025, avec l’idée de cadrer les stablecoins (réserves, supervision, obligations). Séoul veut la clarté sans importer le chaos.
En attendant, le marché bouge déjà. Des acteurs locaux se préparent à une ère du won tokenisé, certaines fintechs l’assument ouvertement, pendant que le pays desserre aussi l’étau côté industrie, par exemple en réouvrant l’accès au statut venture et donc au financement VC pour des firmes crypto. Et dans le décor, Binance a aussi sécurisé son retour via Gopax, preuve que la bataille réglementaire se joue autant sur les textes que sur l’accès au terrain, alors même que la plateforme reste sous pression ailleurs, notamment au Niger où elle fait face à des accusations portant sur plusieurs milliards.
