Au Canada, Aiden Pleterski, surnommé le “Crypto King”, est accusé d’avoir siphonné plus de 40 millions de dollars canadiens auprès d’investisseurs avant de se retrouver kidnappé, filmé, puis exposé au grand jour. Cette histoire n’a rien d’un film. Elle mélange promesses de rendements, mise en scène sur Instagram et violence bien réelle.
De la chambre d’ado au rôle de “Crypto King”
Tout commence loin des salles de marché. Pleterski grandit en Ontario et découvre la crypto comme beaucoup de jeunes : par curiosité, par les jeux, par l’envie de comprendre comment circulent ces “jetons” qui semblent apparaître partout.
Puis vient la vitrine. Sur les réseaux, la réussite porte des logos. Ferrari, villas, montres. À force de scroller, l’ordinaire paraît presque une punition. Le trading devient alors, dans sa tête, un raccourci.

En 2020, il se met à trader plus sérieusement, en racontant des gains, en testant son discours. Le passage du “je tente” au “je gère” est rapide. Trop rapide. Mais c’est souvent comme ça que naissent les personnages : une confiance affichée, et un public qui veut y croire.
AP Private Equity, ou l’art de rendre l’absurde crédible
Il crée AP Private Equity Ltd et vend une promesse calibrée pour séduire. Des rendements annoncés de 10 à 20 % toutes les deux semaines, via crypto et forex. Le capital, dit-il, serait même “garanti”. Dans l’univers de l’investissement, ce genre de phrase devrait faire sonner une alarme.
Les dépôts s’accumulent. Des proches, des entrepreneurs, des particuliers. Selon des documents de cour rapportés par la presse, environ 41,5 millions de dollars canadiens auraient été confiés par des investisseurs, avec un nombre de victimes évoqué autour de 160 ou davantage selon les sources.
Et pourtant, l’enquête financière va raconter une autre histoire. Les autorités et le syndic ont indiqué qu’une infime partie seulement aurait été réellement investie, autour de 1,6 %. Le reste se disperse. Pas dans la volatilité des marchés, mais dans la vie privée du “roi”.
Crypto : le décor de luxe, puis le trou noir
La mise en scène devient sa preuve sociale. Voyages, villas, voitures, jets. Quand l’argent circule, l’image suit. Et quand l’image est forte, elle attire encore plus d’argent. Le cercle est efficace, jusqu’au jour où il se retourne.
Dans les dossiers cités par Reuters et CityNews, plusieurs millions auraient servi à financer un train de vie : véhicules haut de gamme, locations, séjours. Des actifs ont été saisis, mais une large partie des fonds reste introuvable, ce qui nourrit la colère des victimes.

À l’été 2022, les retraits se grippent. Les excuses s’allongent, puis le silence. Les plaintes se multiplient. La société est poussée vers la faillite et Grant Thornton est nommé pour retracer les flux. Pendant ce temps, la police de Durham ouvre une enquête qui prendra le nom de Project Swan.
Kidnappé, filmé, puis rattrapé par la justice
Le basculement le plus glaçant arrive en décembre 2022. Pleterski est enlevé à Toronto. Il dira avoir été séquestré, frappé et torturé. Une vidéo le montre ensanglanté, s’excusant et promettant de rembourser. Cette séquence, reprise par des médias, donne à l’affaire une dimension nationale.
Des suspects seront arrêtés dans le dossier de l’enlèvement. En octobre 2025, l’un des accusés a plaidé coupable à plusieurs chefs, dont enlèvement et voies de fait, et des éléments évoquent des sévices comme le waterboarding. Le message est brutal : l’arnaque financière peut glisser vers la violence physique, surtout quand des fortunes privées sont en jeu.
Sur le volet financier, l’étau se resserre aussi. En mai 2024, les autorités ont inculpé Pleterski et un associé en Ontario pour fraude, avec en plus, pour Pleterski, des accusations de blanchiment des produits de la criminalité, après une enquête conjointe. La justice l’a libéré sous caution, assortie de conditions strictes, et son procès doit s’ouvrir en octobre 2026, d’après plusieurs médias.
La morale de cette histoire dépasse le Canada. On l’a vu récemment en Afrique avec OPTCoin et Daobit : mêmes promesses de “rendements via le trading”, mêmes discours rassurants, puis le même mur au moment des retraits. Quand plus personne ne peut sortir son argent, le vernis tombe. Il ne reste qu’une pyramide de Ponzi, et des victimes qui se demandent comment elles ont pu y croire. Dans la crypto, la technologie est neuve. Les vieilles arnaques, elles, ne vieillissent pas.
