Cette semaine, le marché a offert une scène presque trop parfaite pour être ignorée. D’un côté, le Bitcoin qui grimpe vers 89 826 $ (+2%). De l’autre, l’or qui recule de 0,75% autour de 4 518 $. Deux actifs, deux humeurs, et un message implicite : la protection “classique” n’est plus la seule porte de sortie.
L’or se creuse, Bitcoin se verrouille
Bitcoin n’est pas rare “par tradition”, il est rare par design. 21 millions. Pas 20, pas 22. C’est une frontière nette, inscrite dans le code, et c’est précisément ce qui fascine les investisseurs en quête de repères.
L’or, lui, reste rare, mais extensible. On en extrait encore, année après année, et rien n’empêche la cadence d’augmenter si le prix continue de donner le signal. C’est d’autant plus visible quand le marché s’emballe, comme avec ce nouvel ATH de l’or. Et le chiffre parle de lui-même : en 2025, plus de 3 300 tonnes ont été ajoutées à l’offre mondiale. Une piqûre de rappel simple mais décisive : l’or est une rareté de terrain, pas une rareté mathématique.
Et il y a une asymétrie souvent sous-estimée : l’or n’est pas un logiciel libre. Il ne “s’upgrade” pas, il se découvre. Si demain l’exploitation minière d’astéroïdes devenait rentable, l’or ne demanderait pas l’autorisation au marché pour devenir plus abondant. Bitcoin, lui, ne cède pas : le halving d’avril 2024 a encore réduit l’émission. La rareté progresse mécaniquement, sans négociation.
La portabilité : l’or rassure, Bitcoin circule
L’or a une qualité qui rassure les humains depuis des siècles : il est là, lourd, tangible. Mais dans une finance qui vit à la vitesse des flux, ce poids devient une contrainte. Coffres, transport, assurances, contrôles. La réserve de valeur finit par ressembler à une logistique.
Bitcoin inverse la logique. Vérifier un BTC ne demande ni laboratoire ni certification : un Bitcoin est un Bitcoin, point. Sa fongibilité est native, et sa “preuve” ne dépend pas d’un tiers qui tamponne un document. Elle dépend du réseau.
Surtout, Bitcoin traverse les frontières en secondes. Sans conteneur, escorte ni autorisation particulière. C’est un détail jusqu’au jour où ça ne l’est plus : quand un capital doit se déplacer vite, la portabilité devient une arme douce. Et dans un monde de plus en plus numérisé, l’actif le plus “transportable” gagne mécaniquement des points dans la catégorie “refuge”.
La performance : Le marché récompense la rareté qui se défend
Le différentiel de performance, lui, ne se discute pas longtemps. Depuis 2015, Bitcoin a explosé de plus de 27 000% quand l’or progresse d’environ 283%. Même l’argent, pourtant plus nerveux, tourne autour de 405% sur la période. Ce n’est pas un argument moral. C’est un constat froid : le capital a voté, massivement, pour l’actif le plus asymétrique.
Évidemment, Bitcoin n’est pas un long fleuve tranquille. Il corrige, il secoue, il effraie. Mais sur le temps long, il a pris l’habitude de surclasser les métaux, puis de revenir se faire comparer à eux une fois la poussière retombée. Et plus il mûrit, plus il devient “achetable” par des acteurs qui, hier encore, n’avaient pas le droit d’y toucher. Dans le même mouvement, les BRICS dégainent l’or pour fissurer l’hégémonie du dollar, preuve que la guerre des réserves et des récits monétaires s’étend désormais sur plusieurs fronts, du métal physique aux actifs numériques.
C’est là que la quatrième raison s’imbrique naturellement : la politique monétaire. Bitcoin divise par deux la récompense de bloc tous les quatre ans. En avril 2024, elle est tombée à 3,125 BTC. Ce rythme est prévisible, public, et presque ennuyeux tant il est connu… ce qui est précisément sa force. Face à des monnaies fiduciaires ajustées au gré des crises, et face à un or dont l’offre dépend de la géologie et des incitations économiques, Bitcoin propose un scénario lisible. Et les marchés, quand ils ont peur, paient cher la lisibilité.
